Par Daniel Vauvillier
Mise en page : Jean-Claude Gendre
1821 – 1841 – L’époque des tronçons

C’est la période d’expérimentation des chemins de fer en France. Bien que la première ligne Saint-Etienne à Andrézieux, concédée en 1823, ait été ouverte en 1827, la construction des lignes de chemin de fer ne progresse que très lentement. La ligne de Paris à Saint-Germain est inaugurée le 18 août 1837. À la fin de 1841, il n’existe en France que 573 km de lignes (constituées de tronçons de 50 km environ), contre 4 900 km dans l’ensemble de l’Europe.
1842 – 1874 – L’étoile de Legrand, la constitution des six grandes compagnies
À la suite du vote de la loi du 11 juin 1842 décidant la création de 9 grandes lignes joignant Paris aux frontières et au littoral de la Manche, de la Méditerranée et de l’Océan (Étoile de Legrand), on entre dans une période de construction plus active. On peut retenir les noms de Seguin, Legrand et Talabot. De nombreuses compagnies voient le jour, on en compte 33 en 1846 pour 1 900 km de lignes.
La crise économique et politique qui suit la révolution de 1848 compromet leur situation financière et l’Empire s’attache à constituer des compagnies puissantes par voie de fusion. Ces fusions s’achèvent par la signature des conventions de 1859 avec les 6 grandes compagnies du Nord, de l’Est, de Paris à Orléans, de Paris à Lyon et à la Méditerranée, du Midi et de l’Ouest.

Ces conventions accordent à chaque compagnie pour les lignes dites « du nouveau réseau » (les moins productives) la garantie d’intérêt.
La construction des lignes reprend à une cadence très rapide (770 km en moyenne par an, et même certaines années plus de 1 000 km). En 1875 plus de 20 000 km sont exploités sur un réseau total de 30 000 km. La partie vraiment productive des grands réseaux est terminée dès cette époque.
Il est intéressant de noter que la centralisation administrative du Premier Empire est à l’origine du réseau centré sur Paris, qui, à son tour, a contribué à renforcer cette tendance par les liens économiques et culturels qu’il a créés.
1875 – 1920 – La constitution du réseau de l’État, le programme Freycinet

En 1878, l’État rachète un certain nombre de petites compagnies situées entre Loire et Garonne qui n’avaient pas été incorporées dans les grands réseaux (Charente, Vendée) et constitue avec leurs lignes le réseau de l’État qu’il exploite directement.
La prospérité et l’amélioration des conditions de déplacement apportées par le chemin de fer à toutes les régions qu’il dessert poussent l’opinion publique à demander une extension considérable du réseau. Pour y répondre, Freycinet fait voter en 1879 un programme de grands travaux comportant la création de 150 lignes nouvelles (17 000 km) avec le but de desservir par ligne à voie normale toutes les sous-préfectures.
L’État ne peut mener à bien ce programme ni exploiter les lignes enclavées dans les réseaux des compagnies. Les conventions de 1883 incorporent dans les grands réseaux 12 000 km de lignes d’intérêt général, construites ou à construire. En compensation les réseaux voient la garantie d’intérêt s’étendre à l’ensemble de leurs lignes.
De 1883 à 1914, les résultats d’exploitation sont en général peu favorables en raison des charges croissantes qu’entraîne la mise en service de lignes à caractère essentiellement politique du programme Freycinet. Seules les compagnies du Nord, de l’Est et du P.L.M. n’ont pas à faire appel à la garantie ou peuvent rembourser les avances accordées en années difficiles, par suite de l’importance économique des régions desservies par leurs lignes principales. La situation financière de la compagnie de l’Ouest devient tellement mauvaise que l’État procède à son rachat en 1908. Cette opération lui permet, par ailleurs, de désenclaver son propre réseau qui n’était pas relié à Paris.

En 1914, la longueur totale exploitée atteint près de 38 000 km. Les chemins de fer sont réquisitionnés dès le début de la guerre et jouent un rôle de première importance dans le soutien des opérations militaires et celui de la vie économique du pays.
A la fin de la guerre, la situation économique et financière des grandes compagnies rend nécessaire l’établissement d’une nouvelle convention.
1921 – 1937 – La convention de 1921, les organismes communs

La convention de 1921 règle pour la première fois dans un seul texte le sort de l’ensemble des réseaux (compagnies et État). Elle met pratiquement fin à leur indépendance par la création d’un Conseil supérieur des chemins de fer, d’un Comité de direction et d’un Fonds commun destiné à compenser les excédents et les déficits des différents réseaux, l’équilibre est assuré par le jeu des tarifs.
La construction des lignes nouvelles, arrêtée par la guerre reprend au ralenti et en 1929 le réseau français atteint sa longueur maximale : 42 600 km.
La construction des lignes nouvelles, arrêtée par la guerre reprend au ralenti et en 1929 le réseau français atteint sa longueur maximale : 42 600 km.
Au cours de cette période, les compagnies commencent à substituer au développement linéaire l’équipement en potentiel concrétisé par l’électrification (2 200 km de lignes entre 1928 et 1938) et la modernisation des triages.
La crise économique de 1929, la dévaluation continue du franc, la crise politique de 1936 et la naissance de la concurrence routière placent les réseaux dans une situation financière telle qu’ils doivent signer le 31 août 1937 une nouvelle convention avec le gouvernement.

À partir de 1938 – La Société Nationale des Chemins de fer Français, la reconstruction, la concentration des moyens

Par la convention de 1937, les anciennes compagnies renoncent en faveur de la S.N.C.F., créée pour 45 ans, au droit d’exploiter leurs concessions. En outre, l’État transfère à celle-ci l’exploitation de ses deux réseaux (État et Alsace-Lorraine). A partir du 1er janvier 1938, la S.N.C.F. assure l’exploitation des chemins de fer français, divisés en 5 régions.
Pour le Groupe d’Études pour l’Histoire ferroviaire le périmètre des études s’arrête au 31 décembre 1937. Il est intéressant cependant de poursuivre ici ce rapide survol de l’histoire des chemins de fer en France.
À peine réorganisés au sein de la S.N.C.F. les chemins de fer doivent affronter la Seconde Guerre Mondiale et subissent des destructions considérables en 1940 et 1944. La remise en état des itinéraires principaux est extrêmement rapide afin d’accompagner les opérations des Forces Alliées. En mai 1945, 85 % des ouvrages sont rétablis. Pour autant, les travaux de reconstruction s’étalent sur une vingtaine d’années.
Simultanément, dès 1946 la S.N.C.F. s’attaque à la modernisation de ses techniques d’exploitation et à l’unification de son parc de matériel roulant pour répondre à moindre frais à un trafic en croissance constante. La pièce maîtresse en a été l’électrification des lignes à fort trafic, d’abord en courant 1500 Volts continu (Paris-Lyon), puis en courant industriel monophasé 50 périodes (régions de l’Est et du Nord).
La recherche de la vitesse accompagne ces développements jusqu’à aujourd’hui, ainsi que l’exploitation du potentiel de l’électronique de puissance, de la cybernétique et de l’informatique, l’ensemble visant à optimiser la capacité du réseau, les rendements et la sécurité. Pour autant, la concurrence des autres moyens de transport, moins soumis aux obligations de service public et à l’entretien d’une lourde infrastructure, conduisent la S.N.C.F. à affronter une situation financière préoccupante qui perdure encore.
Sur un réseau transfiguré par la grande vitesse, il faut désormais aussi compter avec l’ouverture à la concurrence du cadre européen et avec les mutations sociétales, autant de challenges qui seront le fil conducteur des chapitres à venir de l’histoire des chemins de fer en France.